Australie, l'histoire d'un pays en statistiques
La bibliothèque de l'Insee conserve une grande partie des publications statistiques officielles des XIXe et XXe siècles de l’Australie. Découvrez à travers ces ouvrages l'histoire de l'Australie qu'ils donnent à voir.
Carte de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande issue de Statistical account of the seven colonies of Australasia (1900) présentant les précipitations moyennes
La présence humaine en Australie est estimée remonter à près de 40 000 ans. La colonisation par les Britanniques du continent commence quant à elle au XVIIIe siècle. L’explorateur britannique James Cook (1728-1779) prend possession de la côte Est du continent australien en 1770 au nom de la couronne. Le succès de l’expédition de Cook, la perte des colonies d’Amérique du Nord (déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique en 1776) et la volonté d’éloigner de l’empire une population criminelle motivent les Britanniques à coloniser l’Australie.
En 1788, la « First Fleet », une flotte de 11 navires de transport et de stockage, accoste à Port Jackson dans l’actuelle baie de Sydney. À son bord se trouvent 778 condamnés, hommes et femmes, accompagnés des membres d’équipage et des officiers d’encadrement. L’arrivée de ces bateaux marque les débuts de la colonisation de l’Australie, terre utilisée pendant près d’un siècle par le gouvernement britannique comme une colonie pénitentiaire. L’installation progressive des colons et des détenus ne se fait pas sans encombre : plusieurs famines et mutineries éclatent. Entre 1788 et 1868, plus de 160 000 détenus sont envoyés en Australie. Originaires des îles Britanniques, ils sont exploités par les autorités publiques et par les colons libres.
Soutenue par l’exploitation de cette main-d’œuvre pénitentiaire, l’économie australienne, en particulier l’agriculture, ne tarde pas à se développer. L’Australie devient la terre par excellence de l’élevage de moutons et de la production de laine mérinos.

Photo d'un mouton mérinos issue du Handbook of South Australia (1908)
L’industrie de la laine se développe rapidement et dès le début du XIXe, les propriétaires de terrains fertiles et de troupeaux comptent parmi les colons les plus affluents, attirant ainsi de nouveaux colons britanniques qui espèrent faire fortune également. À la fin du XIXe siècle, l’Australie se démarque par la quantité de moutons présents sur son territoire et devient le principal exportateur de laine de mouton au monde. Le mouton australien – laine et viande, est le principal poste d'exportation du pays ainsi que sa plus grosse source de revenus à cette époque. Aujourd’hui, l’Australie produit toujours plus de la moitié de la laine mérinos mondiale, bien qu’elle détienne moins de 10 % de la population de moutons mondiale.

Graphique issu de New South Wales : the mother colony of the Australias (1896), présentant le nombre de moutons et d'agneaux des principaux producteurs de laine
Le mouton n’est pas le seul animal à avoir été importé en Australie au moment de la colonisation britannique. Le chameau est utilisé comme alternative aux chevaux pour le transport des marchandises dans les régions désertiques de l’outback, là où le transport ferroviaire n’existe pas. Il est particulièrement emblématique de la ruée vers l’or qu’a connue l’Australie dans les années 1850.

Photo d'un chercheur d'or sur le dos d'un chameau issue de The central state: South Australia: its history, progress and resources (1903)

Tableau issu de Statistical account of the seven colonies of Australasia (1900) p.557, présentant la production d'or en valeur pour chaque État australien et la Nouvelle-Zélande pour l'année 1899
Au début du XIXe siècle, de l’or est découvert en Nouvelle-Galles du Sud. Pour éviter des mutineries dans la population pénitentiaire, le gouvernement n’en révèle pas l’existence immédiatement. En 1848, la découverte d’or en Californie motive de nombreux colons australiens à tenter leur chance aux États-Unis. Pour freiner leur départ, la Nouvelle-Galles du Sud se lance dans la recherche de nouveaux gisements. On en trouve en mai 1851 au Victoria, colonie tout juste séparée de la Nouvelle-Galles du Sud, et les migrants affluent de nouveau pour faire fortune. La migration interne est telle que des déséquilibres migratoires apparaissent. Ainsi The Official Record of Tasmania, 1891 montre que près de la moitié des hommes adultes de la colonie insulaire partent s’installer au Victoria : sa population passe de 40 000 hommes en 1842 à moins de 22 000 après les migrations vers les « goldfields ». Les migrants venus de l’étranger sont aussi nombreux : entre 1851 et 1871, la population australienne est presque multipliée par 4 et passe de 430 000 habitants à 1,7 million.
La ruée vers l’or joue un rôle majeur dans le développement économique, culturel et social de l’Australie. Les années suivantes voient par exemple naître le parti travailliste avec des avancées sociales telles que la journée de 8h de travail et la construction de plusieurs universités.
Le début du XIXe siècle est également marqué par le début de la « White Australia policy » visant à faire de l’Australie un continent britannique peuplé de ressortissants européens blancs. Les non-blancs sont mal perçus, notamment les chercheurs d’or d’origine chinoise contre qui des émeutes éclatent en Nouvelle-Galles du Sud et au Victoria. La première loi « anti-chinoise » d’Australie est votée en 1855 dans la colonie de Victoria. Elle impose une taxe de 10 £ par arrivée et restreint le nombre de Chinois pouvant embarquer pour la colonie (1 personne pour 10 tonnes de marchandise). Une loi similaire sera votée en Nouvelle-Galles du Sud en 1861 (Chinese Immigration Restriction and Regulation Act). La fédération des colonies d’Australie est effective en 1901 et l’Immigration Restriction Act est voté cette même année. Il s’agit d’une loi restrictive sur l’immigration, dont le but est de restreindre l’entrée de populations non-blanche sur le territoire. Les candidats à l’immigration doivent se soumettre à une dictée de 50 mots dans une langue européenne choisie par l’examinateur.

Tableau issu de A statistical account of Australia (1903) p.176 présentant le nombre de naturalisations accordées en 1903 en Australie par État
À l’inverse, pour les sujets britanniques nés au Royaume-Uni ou descendants d’une personne née au Royaume-Uni, les formalités pour immigrer en Australie sont simplifiées au maximum, afin de les inciter à immigrer. Des passagers ayant de la famille sur place ou ayant été invités à immigrer par des personnes vivant déjà en Australie sont « assistés », c’est-à-dire que leur voyage est en partie payé par un employeur ou un gouvernement local. La simplicité de l’immigration et l’opportunité qu’elle représente sont mises en valeur par le gouvernement, notamment dans les « handbooks », documents informatifs à destination de potentiels immigrants. Les conditions d’installation y sont évoquées, mais aussi le climat, les conditions sociales, les différentes industries (laitière, pastorale…), le taux de mortalité, les revenus etc.

Encart de type publicitaire en dernière page de The mineral industry in New South Wales (1908) présentant tous les avantages des pays européens que l'on peut retrouver en Nouvelle-Galles du Sud
Les Aborigènes et les populations insulaires du détroit de Torrès constituent la population autochtone de l’Australie et sont les descendants des premiers humains à avoir peuplé l’île-continent, il y a près de 40 000 ans. Les premiers contacts au XVIIIe siècle entre les explorateurs européens et les Aborigènes ont été difficiles : ils sont décrits dans plusieurs collections de la bibliothèque comme The wealth and progress of New South Wales (1895-1896) et A statistical account of Australia and New Zealand (1903-1904).
Les Aborigènes et les Mélanésiens ne jouissent pas du tout des mêmes droits que les immigrés et sont largement discriminés y compris dans le traitement statistique qui leur est réservé.
Les premières publications statistiques officielles contiennent des chiffres sur la population autochtone, mais ils sont à lire avec précautions. L’article 127 de la Constitution de 1901 exclut des recensements de la population les « Aboriginal natives », c’est-à-dire les personnes considérées comme ayant plus de 50 % de sang aborigène. Considérés comme inaptes à exercer la fonction de citoyens, ils sont exclus des recensements de la population et de ce fait du régime de la citoyenneté, qui leur est déniée. Et quand ils sont comptabilisés, les Aborigènes sont souvent classés en plusieurs catégories : les « full-blood », les « half-blood » (métis) et les « nomadic half-castes ».

Graphiques issus du Census of the Commonwealth of Australia (1911) p.223, présentant les résultats du recensement de la population de 1911 pour les "races" non-européennes
Il est estimé qu’en moins d’un siècle de colonisation, près de la moitié de la population a été décimée, en grande partie à cause des maladies véhiculées par les colons (notamment la variole). En 1788, jusqu’à 314 500 Aborigènes auraient été comptés alors qu’il n’en subsistait en 1871 plus que 155 285. The Australian commonwealth, its resources and production, 1910, leur consacre une page dans un chapitre sur la population australienne dans laquelle est évoquée leur disparition graduelle ainsi que les efforts produits pour assurer leur bien-être.
Cette disposition discriminatoire de la Constitution à l’égard des Aborigènes sera abrogée le 27 mai 1967 par référendum : 90 % des votants approuvent le fait que les Aborigènes doivent être recensés dans le cadre du recensement de la population. Bien que ce référendum soit perçu comme une avancée pour la reconnaissance de l’égalité entre les Aborigènes et leurs concitoyens blancs, les problématiques de discrimination envers ces populations et leurs conséquences restent un enjeu de société important en Australie aujourd'hui.
Sources : Cet article a été rédigé à partir des ouvrages de la bibliothèque de l'Insee Alain Desrosières ainsi que des sources externes parmi lesquelles :
- Australian Bureau of Statistics (2019). « Historical Population, 2016 | Australian Bureau of Statistics ». Consulté 22 mars 2021 (https://www.abs.gov.au/statistics/people/population/historical-population/latest-release).
- Arguillère, Karine (2018). « L’immigration chinoise en Australie : 200 ans d’une histoire tourmentée – Courrier Australien ». Consulté 22 mars 2021 (https://www.lecourrieraustralien.com/limmigration-chinoise-en-australie-200-ans-dune-histoire-tourmentee/).
- Bosa, Bastien (2012). « L’Australie : mises en perspective historiques | Cairn.info ». Consulté 22 mars 2021d (https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2012-2-page-5.htm).
- Ross, Kate (1999). Population Issues, Indigenous Australians, 1996 (PDF). Canberra: Australian Bureau of Statistics. ISBN 0642256845. 4708.0 - Occasional Paper. Retrieved 17 September 2020.
- Synowiecki, Jan (2020). « Australia : le bagnard, le mouton et l’eucalyptus ». Echos des Lumières. Consulté 22 mars 2021 (https://echosdeslumieres.home.blog/2020/01/14/australia-le-bagnard-le-mouton-et-leucalyptus/).
- Guide de recherche sur les recensements des Aborigènes par la Bibliothèque de l'Etat de Victoria : https://guides.slv.vic.gov.au/earlycensus/aboriginal
Peupler l’Australie : colons, détenus et moutons
La présence humaine en Australie est estimée remonter à près de 40 000 ans. La colonisation par les Britanniques du continent commence quant à elle au XVIIIe siècle. L’explorateur britannique James Cook (1728-1779) prend possession de la côte Est du continent australien en 1770 au nom de la couronne. Le succès de l’expédition de Cook, la perte des colonies d’Amérique du Nord (déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique en 1776) et la volonté d’éloigner de l’empire une population criminelle motivent les Britanniques à coloniser l’Australie.
En 1788, la « First Fleet », une flotte de 11 navires de transport et de stockage, accoste à Port Jackson dans l’actuelle baie de Sydney. À son bord se trouvent 778 condamnés, hommes et femmes, accompagnés des membres d’équipage et des officiers d’encadrement. L’arrivée de ces bateaux marque les débuts de la colonisation de l’Australie, terre utilisée pendant près d’un siècle par le gouvernement britannique comme une colonie pénitentiaire. L’installation progressive des colons et des détenus ne se fait pas sans encombre : plusieurs famines et mutineries éclatent. Entre 1788 et 1868, plus de 160 000 détenus sont envoyés en Australie. Originaires des îles Britanniques, ils sont exploités par les autorités publiques et par les colons libres.
Soutenue par l’exploitation de cette main-d’œuvre pénitentiaire, l’économie australienne, en particulier l’agriculture, ne tarde pas à se développer. L’Australie devient la terre par excellence de l’élevage de moutons et de la production de laine mérinos.
Photo d'un mouton mérinos issue du Handbook of South Australia (1908)
Le mouton mérinos est originaire d’Espagne. Son élevage est très strictement contrôlé et son exportation est interdite sous peine de mort jusqu'en 1765. La race est utilisée pour conclure des alliances diplomatiques. En 1789, le prince Guillaume V d’Orange, qui a reçu du roi d’Espagne Charles III un troupeau de moutons mérinos, envoie 2 béliers et 4 brebis dans la colonie hollandaise du Cap de Bonne-Espérance. Le colonel Robert Jacob Gordon, chargé de la garde du troupeau, reçoit l’ordre de renvoyer ces animaux en Hollande en 1791, mais il garde leur progéniture au Cap. À sa mort, les animaux restants sont vendus 4 £ par tête à deux officiers britanniques, le Capitaine Henry Waterhouse et le Lieutenant William Kent, qui font escale au Cap lors d’un voyage vers l’Australie. Ils arrivent avec le troupeau à Port Jackson en 1797.
En Australie, H .Waterhouse fait se reproduire entre eux les moutons qui ont survécu au voyage. Il répartit leur descendance entre quelques éleveurs, dont John Macarthur (1767-1834), connu pour être le « pionnier de l’industrie de la laine ». Officier du bataillon de Nouvelle-Galles du Sud et inspecteur des travaux publics, Macarthur dispose d’un accès illimité à la main-d’œuvre pénitentiaire et contrôle de fait une bonne partie des ressources de la colonie. Contrairement aux autres éleveurs soucieux de vendre rapidement leurs bêtes, Macarthur a pour but d’améliorer les caractéristiques de son troupeau par croisement de manière à obtenir une laine de meilleure qualité.
En Australie, H .Waterhouse fait se reproduire entre eux les moutons qui ont survécu au voyage. Il répartit leur descendance entre quelques éleveurs, dont John Macarthur (1767-1834), connu pour être le « pionnier de l’industrie de la laine ». Officier du bataillon de Nouvelle-Galles du Sud et inspecteur des travaux publics, Macarthur dispose d’un accès illimité à la main-d’œuvre pénitentiaire et contrôle de fait une bonne partie des ressources de la colonie. Contrairement aux autres éleveurs soucieux de vendre rapidement leurs bêtes, Macarthur a pour but d’améliorer les caractéristiques de son troupeau par croisement de manière à obtenir une laine de meilleure qualité.
L’industrie de la laine se développe rapidement et dès le début du XIXe, les propriétaires de terrains fertiles et de troupeaux comptent parmi les colons les plus affluents, attirant ainsi de nouveaux colons britanniques qui espèrent faire fortune également. À la fin du XIXe siècle, l’Australie se démarque par la quantité de moutons présents sur son territoire et devient le principal exportateur de laine de mouton au monde. Le mouton australien – laine et viande, est le principal poste d'exportation du pays ainsi que sa plus grosse source de revenus à cette époque. Aujourd’hui, l’Australie produit toujours plus de la moitié de la laine mérinos mondiale, bien qu’elle détienne moins de 10 % de la population de moutons mondiale.
Graphique issu de New South Wales : the mother colony of the Australias (1896), présentant le nombre de moutons et d'agneaux des principaux producteurs de laine
Ruée vers l’or et politique d’immigration
Le mouton n’est pas le seul animal à avoir été importé en Australie au moment de la colonisation britannique. Le chameau est utilisé comme alternative aux chevaux pour le transport des marchandises dans les régions désertiques de l’outback, là où le transport ferroviaire n’existe pas. Il est particulièrement emblématique de la ruée vers l’or qu’a connue l’Australie dans les années 1850.
Photo d'un chercheur d'or sur le dos d'un chameau issue de The central state: South Australia: its history, progress and resources (1903)
Tableau issu de Statistical account of the seven colonies of Australasia (1900) p.557, présentant la production d'or en valeur pour chaque État australien et la Nouvelle-Zélande pour l'année 1899
Au début du XIXe siècle, de l’or est découvert en Nouvelle-Galles du Sud. Pour éviter des mutineries dans la population pénitentiaire, le gouvernement n’en révèle pas l’existence immédiatement. En 1848, la découverte d’or en Californie motive de nombreux colons australiens à tenter leur chance aux États-Unis. Pour freiner leur départ, la Nouvelle-Galles du Sud se lance dans la recherche de nouveaux gisements. On en trouve en mai 1851 au Victoria, colonie tout juste séparée de la Nouvelle-Galles du Sud, et les migrants affluent de nouveau pour faire fortune. La migration interne est telle que des déséquilibres migratoires apparaissent. Ainsi The Official Record of Tasmania, 1891 montre que près de la moitié des hommes adultes de la colonie insulaire partent s’installer au Victoria : sa population passe de 40 000 hommes en 1842 à moins de 22 000 après les migrations vers les « goldfields ». Les migrants venus de l’étranger sont aussi nombreux : entre 1851 et 1871, la population australienne est presque multipliée par 4 et passe de 430 000 habitants à 1,7 million.
La ruée vers l’or joue un rôle majeur dans le développement économique, culturel et social de l’Australie. Les années suivantes voient par exemple naître le parti travailliste avec des avancées sociales telles que la journée de 8h de travail et la construction de plusieurs universités.
Illustration représentant l'université de Sydney au dos de l'ouvrage Mineral map and general statistics New South Wales (1876)
Le début du XIXe siècle est également marqué par le début de la « White Australia policy » visant à faire de l’Australie un continent britannique peuplé de ressortissants européens blancs. Les non-blancs sont mal perçus, notamment les chercheurs d’or d’origine chinoise contre qui des émeutes éclatent en Nouvelle-Galles du Sud et au Victoria. La première loi « anti-chinoise » d’Australie est votée en 1855 dans la colonie de Victoria. Elle impose une taxe de 10 £ par arrivée et restreint le nombre de Chinois pouvant embarquer pour la colonie (1 personne pour 10 tonnes de marchandise). Une loi similaire sera votée en Nouvelle-Galles du Sud en 1861 (Chinese Immigration Restriction and Regulation Act). La fédération des colonies d’Australie est effective en 1901 et l’Immigration Restriction Act est voté cette même année. Il s’agit d’une loi restrictive sur l’immigration, dont le but est de restreindre l’entrée de populations non-blanche sur le territoire. Les candidats à l’immigration doivent se soumettre à une dictée de 50 mots dans une langue européenne choisie par l’examinateur.
Tableau issu de A statistical account of Australia (1903) p.176 présentant le nombre de naturalisations accordées en 1903 en Australie par État
À l’inverse, pour les sujets britanniques nés au Royaume-Uni ou descendants d’une personne née au Royaume-Uni, les formalités pour immigrer en Australie sont simplifiées au maximum, afin de les inciter à immigrer. Des passagers ayant de la famille sur place ou ayant été invités à immigrer par des personnes vivant déjà en Australie sont « assistés », c’est-à-dire que leur voyage est en partie payé par un employeur ou un gouvernement local. La simplicité de l’immigration et l’opportunité qu’elle représente sont mises en valeur par le gouvernement, notamment dans les « handbooks », documents informatifs à destination de potentiels immigrants. Les conditions d’installation y sont évoquées, mais aussi le climat, les conditions sociales, les différentes industries (laitière, pastorale…), le taux de mortalité, les revenus etc.
Encart de type publicitaire en dernière page de The mineral industry in New South Wales (1908) présentant tous les avantages des pays européens que l'on peut retrouver en Nouvelle-Galles du Sud
Compter les laissés-pour-compte : quel traitement statistique pour les Aborigènes et les Mélanésiens ?
Les Aborigènes et les populations insulaires du détroit de Torrès constituent la population autochtone de l’Australie et sont les descendants des premiers humains à avoir peuplé l’île-continent, il y a près de 40 000 ans. Les premiers contacts au XVIIIe siècle entre les explorateurs européens et les Aborigènes ont été difficiles : ils sont décrits dans plusieurs collections de la bibliothèque comme The wealth and progress of New South Wales (1895-1896) et A statistical account of Australia and New Zealand (1903-1904).
Les Aborigènes et les Mélanésiens ne jouissent pas du tout des mêmes droits que les immigrés et sont largement discriminés y compris dans le traitement statistique qui leur est réservé.
Les premières publications statistiques officielles contiennent des chiffres sur la population autochtone, mais ils sont à lire avec précautions. L’article 127 de la Constitution de 1901 exclut des recensements de la population les « Aboriginal natives », c’est-à-dire les personnes considérées comme ayant plus de 50 % de sang aborigène. Considérés comme inaptes à exercer la fonction de citoyens, ils sont exclus des recensements de la population et de ce fait du régime de la citoyenneté, qui leur est déniée. Et quand ils sont comptabilisés, les Aborigènes sont souvent classés en plusieurs catégories : les « full-blood », les « half-blood » (métis) et les « nomadic half-castes ».
Graphiques issus du Census of the Commonwealth of Australia (1911) p.223, présentant les résultats du recensement de la population de 1911 pour les "races" non-européennes
Il est estimé qu’en moins d’un siècle de colonisation, près de la moitié de la population a été décimée, en grande partie à cause des maladies véhiculées par les colons (notamment la variole). En 1788, jusqu’à 314 500 Aborigènes auraient été comptés alors qu’il n’en subsistait en 1871 plus que 155 285. The Australian commonwealth, its resources and production, 1910, leur consacre une page dans un chapitre sur la population australienne dans laquelle est évoquée leur disparition graduelle ainsi que les efforts produits pour assurer leur bien-être.
Cette disposition discriminatoire de la Constitution à l’égard des Aborigènes sera abrogée le 27 mai 1967 par référendum : 90 % des votants approuvent le fait que les Aborigènes doivent être recensés dans le cadre du recensement de la population. Bien que ce référendum soit perçu comme une avancée pour la reconnaissance de l’égalité entre les Aborigènes et leurs concitoyens blancs, les problématiques de discrimination envers ces populations et leurs conséquences restent un enjeu de société important en Australie aujourd'hui.
Sources : Cet article a été rédigé à partir des ouvrages de la bibliothèque de l'Insee Alain Desrosières ainsi que des sources externes parmi lesquelles :
- Australian Bureau of Statistics (2019). « Historical Population, 2016 | Australian Bureau of Statistics ». Consulté 22 mars 2021 (https://www.abs.gov.au/statistics/people/population/historical-population/latest-release).
- Arguillère, Karine (2018). « L’immigration chinoise en Australie : 200 ans d’une histoire tourmentée – Courrier Australien ». Consulté 22 mars 2021 (https://www.lecourrieraustralien.com/limmigration-chinoise-en-australie-200-ans-dune-histoire-tourmentee/).
- Bosa, Bastien (2012). « L’Australie : mises en perspective historiques | Cairn.info ». Consulté 22 mars 2021d (https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2012-2-page-5.htm).
- Ross, Kate (1999). Population Issues, Indigenous Australians, 1996 (PDF). Canberra: Australian Bureau of Statistics. ISBN 0642256845. 4708.0 - Occasional Paper. Retrieved 17 September 2020.
- Synowiecki, Jan (2020). « Australia : le bagnard, le mouton et l’eucalyptus ». Echos des Lumières. Consulté 22 mars 2021 (https://echosdeslumieres.home.blog/2020/01/14/australia-le-bagnard-le-mouton-et-leucalyptus/).
- Guide de recherche sur les recensements des Aborigènes par la Bibliothèque de l'Etat de Victoria : https://guides.slv.vic.gov.au/earlycensus/aboriginal
Le fonds ancien australien de la bibliothèque
Découvrez les ouvrages du fonds ancien de la bibliothèque concernant l'Australie